

LUPITA NIONGO
ou
la nouvelle GRACE JONES
une passion hollywoodienne pour les panthères
Tout le monde aura constaté ces dernières années la folie médiatique autour de l’actrice kenyane Lupita NYONG’O, après son oscarisation et sa nomination par le magazine américain People comme la plus belle femme du monde. Bien des défenseurs de la « cause noire » ont aussi tôt salué tout cela comme une révolution, une avancée fabuleuse dans la reconnaissance de la beauté noire « authentique ». Mais est-ce vraiment si nouveau ?
En observant cette belle et talentueuse actrice, on ne peut s'empêcher de noter certaines similitudes avec une autre actrice, d’origine jamaïcaine, elle aussi adoubée en son temps par le cinéma américain : la très féline GRACE JONES.
L’excentricité de Mrs Jones mise à part, le physique est très ressemblant. C’est la figure mythique de la panthère noire de jais, super athlétique, et aux cheveux rasés. Le même physique que vous retrouverez chez la plupart des mannequins noires africaines qui parviennent à se faire un nom dans la mode (Cf Alek Wek). Nombreuses sont, d’ailleurs ces mannequins qui vous diront la difficulté à réussir aujourd’hui dans le mannequinat, lorsque vous ne collez pas à ce modèle ou que vous n’êtes pas métisse. A croire que le star-système ne laisse aux femmes noires, en termes d’idéal de beauté que deux alternatives : celle de la métisse à la peau claire, au nez aquilin et aux cheveux longs ou celle de la panthère noire, athlétique et échevelée.
N’est-il pas temps d’arrêter de laisser l’occident décider de ce qu’est la beauté noire ? N’est-ce pas aux femmes noires elle-même d’imposer leurs critères de beauté en termes de morphologie ou de coiffure ?
Et ne venez pas me parler de la dictature « Nappy » très à la mode actuellement, consistant à considérer toute coiffure autre que crépue comme une marque d’aliénation. Il est certain qu’entretenir des cheveux en bonne santé est primordial, que sublimer la texture du cheveu crépu est magnifique, mais une coupe afro ou dix kilos de dreadlocks sur la tête ne vous rendront jamais plus africaine qu’une autre. Parce que l’identité ne se réduit pas à cela.
-
Les femmes noires dans l’antiquité égyptienne préféraient la plupart du temps se raser la tête et porter des perruques.
-
Dans les royaumes précoloniaux d’Afrique centrale (Cf Encyclopédie GéographiqueUniverselle) les femmes, d’après les récits tout empreints de mépris, des voyageurs européens, portaient sur leurs têtes des « édifices monumentaux » composés de mèches de plusieurs couleurs qui leur tombaient jusqu’aux hanches. Hanches dont ils disaient,(pour étayer leur thèse sur l’animalité des nègres dans l’évolution de l’espèce) que la« cambrure prononcée prouvait que la queue (animale) venait juste de tomber ».
Ces coiffures faites de mèches, de perruques et de teintures en tout genre étaient-elles influencées par un modèle de beauté blanc ? Bien sûr que Non ! Elles étaient le reflet d’une longue tradition africaine de technicité, d’ingéniosité et d’originalité dans l’entretien et la mise en beauté du cheveu crépu.
Ces deux modèles de femmes à des époques très différentes, n’étaient ni aliénées ni obnubilées par un modèle de beauté blanc. Et cela se traduisait par une liberté totale dans le choix de leur apparence.
Il est grand temps pour la femme noire de renouer avec cette liberté et cette affirmation de soi, AU-DEHORS du regard de l’autre, sans se laisser dicter de beauté noire quelle qu’elle soit.
L’essentiel est de connaître son histoire, de se connaître soi, pour ne pas faire de son ignorance un outil d’instrumentalisation. La Femme noire est multiple ! Elle est tantôt sombre tantôt claire de peau, tantôt fine, tantôt toute en rondeurs, tantôt tressée, tissée, rasée ou portant simplement de beaux et longs cheveux crépus. Il n’y a pas une vraie femme noire face à des impostures. Apprenons à voir plus loin que les caricatures véhiculées par les dogmes hollywoodiens.
L’effervescence de certains afro centristes devant la frénésie médiatique autour de Lupita Nyong’o, traduit surtout leur fascination et leur besoin inconscient - ou inavoué - de reconnaissance de la part des institutions occidentales pour se sentir valorisés. Lupita NYONG’O est belle et talentueuse, mais elle est loin d’être un contre-modèle, elle est au contraire l’archétype du SEUL modèle que l’occident, bercé dans ses fantasmes d’une pseudo animalité africaine, accepte de reconnaitre comme « LA » femme africaine. N’en déplaise à certains afrocentristes qui, bien malgré eux, dénoncent la domination culturelle occidentale, tout en glorifiant sans le savoir les initiatives les plus empreintes de préjugés et de racisme. C’est tout le risque qu’il y a à combattre un poison culturel, sans s’interroger sur son propre degré de contamination. Et personne n’est à l’abri d’un tel égarement, comme nous l’a rappelé Senghor en chantant l’émotion de sa négritude, face à une raison toute « hellène »...